Le 21è siècle ou les impasses du cerveau humain

Et si les rouages biologiques de notre cerveau étaient à l’origine de nos impasses écologique et climatique actuelles ? C’est l’opinion qu’expose le neuroscientifique Sébastien Bohler, dans son livre Le Bug humain (2019). Une lutte de pouvoir inégale entre deux composants du cerveau, le cortex et le striatum, biaise nos comportements vers le « toujours plus », avec comme symptômes l’épuisement des ressources naturelles, le dogme de la croissance, mais aussi l’obésité, la pornographie virtuelle, l’addiction aux écrans… État des lieux, arguments scientifiques et propositions pour nous en sortir.

Lecture 25 minutes

Que faudra-t-il inventer pour que l’humanité se décide à sauver sa peau, puisque la politique, la diplomatie, la culture, les médias indépendants ou encore l’associatif n’y suffisent pas ? En réalité, je crois qu’il est temps de se poser la question autrement : nous cherchons sans grand succès ce qui nous empêche de faire, demandons-nous plutôt ce qui nous pousse à faire autre chose. Pour cela, il faut se plonger dans notre psychologie et dans l’intimité de notre cerveau.

Alors que tremble soudain le système économique et social du monde occidentalisé, il me semble pertinent de mettre en avant un excellent livre de 2019 : Le Bug humain de Sébastien Bohler. J’avoue que j’ai été méfiant quand on m’a prêté (sur le bord d’une route !) ce livre à la couverture criarde. Mais à la lecture, je confirme que le sous-titre tapageur – « Pourquoi notre cerveau nous pousse à détruire la planète et comment l’en empêcher » – décrit plutôt bien ce qui se passe, et que le livre vaut vraiment le détour.

Premièrement, car l’auteur aborde le défi actuel de l’humanité – arrêter de creuser sa propre tombe – sous un angle qui me semble plus utile que la politique pure, ou du moins que celle-ci devrait urgemment prendre en compte : les mécanismes biologiques du cerveau humain. Au final, tout ce que nous faisons, en tant qu’individus ou que groupe, est permis et contraint par notre cerveau. Apprenons donc à mieux connaître son fonctionnement et ses limites.

Deuxièmement, car Sébastien Bohler, 49 ans, est quelqu’un de sérieux, ancien chercheur en neurosciences, et aujourd’hui rédacteur en chef du magazine Cerveau & Psycho. Sans hésiter à marier des notions biologiques complexes comme le faisceau frontostriatal et les neurones à dopamine du mésencéphale, avec des faits de société concrets comme la pornographie en ligne, l’addiction à Call of Duty ou la consommation de chicken wings, Bohler adopte un langage clair et imagé, pour nous livrer une puissante grille de lecture des comportements humains.

Je recommande donc vivement cet ouvrage , bien étoffé d’informations factuelles, et auquel la fondation Veolia a décerné le Prix 2019 du Livre Environnement.

Le dogme de la croissance économique est l’expression d’un principe de « toujours plus » fondamentalement ancré dans notre cerveau.

Le message de fond de Bohler, et j’y souscris, est que le dogme de la croissance économique qui guide nos sociétés et les mène à leur perte, est l’expression à l’échelle comportementale et sociétale d’un principe de « toujours plus » fondamentalement ancré dans notre cerveau, un mécanisme neurobiologique qui régit nos actions. Reconnaître puis accepter ce fait vexant pourrait être à la fois le vrai défi actuel de l’humain, et son meilleur espoir pour s’en sortir.

Voici pour vous mon résumé commenté du bouquin.

Reconnaître l’existence d’un bug humain

Les programmateurs informatiques le savent bien. Plus on passe de temps à trouver le bug, plus c’est une erreur basique, un « truc à la con » : ponctuation incorrecte dans les lignes de code, caractères inversés…

Des situations alarmantes réclamant l’action, nous en voyons à la pelle : les quantités astronomiques de charbon brûlées par l’Inde et la Chine pourtant présentes à la COP21 ; les désastres écologiques que nous laissons courir et que je rappelais dans mon article récent ; les 16-30 ans connectés du monde entier qui passent en moyenne une journée entière par semaine sur leur smartphone…

Ces dysfonctionnements majeurs sont parfaitement identifiés, voire dénoncés depuis des décennies par une minorité de l’humanité, mais ni les rapports de scientifiques, ni les marches de la jeunesse, ni les incendies géants n’y font quelque chose. L’humanité dans son ensemble est peut-être « déjà dans le mur », comme l’affirme Aurélien Barrau (à 19’50 de cette vidéo), or elle reste comme une poule devant le grillage, bloquée dans ses positions et incapable d’agir. Après avoir cherché en vain un problème dans l’économie, la politique ou la culture, ne faut-il pas plutôt chercher un problème bien plus basique dans nos comportements, un véritable bug humain ?

Le truc à la con chez l’Homme, le bug qui nous met en danger en même temps que les autres espèces, Sébastien Bohler le caricature ainsi : « le cerveau d’un primate et la technologie d’un Dieu » (p. 93). Pendant des millions d’années, l’ingéniosité de notre cerveau a été au service de notre survie, en répondant à une soif du toujours plus qui nous a dotés de moyens techniques considérables. Or le bug le voici : alors que nous n’avons plus besoin pour survivre de nous jeter sur la moindre gazelle, le moindre partenaire sexuel ou le moindre atout de domination, nous continuons à agir de la sorte dans un monde où notre avidité sans bornes, servie par une technologie débridée, a des conséquences délétères planétaires. Et ainsi, dans cette « catastrophe consumériste » (p. 93), l’Homme « est devenu un danger mortel pour lui-même. […] Au regard de sa situation actuelle dans un monde globalisé, l’humain est inadapté. » (p. 185)

Savane, cortex, striatum et nos cinq motivations primaires

Pour résumer à traits grossiers le rôle du cerveau humain dans le comportement, on peut dire que les technologies sont l’œuvre du cortex, la partie extérieure plissée du cerveau qui s’occupe entre autres de planifier, imaginer, résoudre les problèmes, alors que la motivation qui nous pousse à agir est l’œuvre du striatum, une partie située au centre du cerveau. Ce striatum garantit la satisfaction de nos cinq besoins primitifs : nous cherchons en priorité à manger, nous reproduire, acquérir du pouvoir, le faire avec un minimum d’efforts, et rassembler un maximum d’informations sur notre environnement. (Je dirais pour nous en rappeler que nous cherchons à parvenir à nos FINSS : Facilité, Information, Nourriture, Sexe et Statut social !)

Biologiquement, cortex et striatum s’influencent l’un l’autre via leurs neurones, mais en réalité cette lutte de pouvoir est inégale, car ce qui a permis à nos ancêtres de sortir de la savane et devenir une espèce mondiale, c’est un striatum réclamant toujours plus de nourriture et de partenaires sexuels, de domination sociale et d’information, le tout orienté vers la facilité. Vous avez apprécié le style de Yuval Noah Harari dans Sapiens ? Vous aimerez les scénarios où Bohler décrit comment nos ancêtres qui remplissaient le mieux ces objectifs ont pu survivre, répandre leurs gènes mieux que leurs concurrents, et ont fait de nous des êtres plus que jamais mus par leurs cinq motivations primaires. Et nous avons réussi à tel point que l’humanité engloutit aujourd’hui en sept mois les ressources que la planète produit en un an (voir le concept du jour du dépassement).

Bon, me direz-vous, grosso modo c’est « sexe et pouvoir gouvernent le monde », ça n’est pas très nouveau. D’Henri IV à Berlusconi, de Messaline à Catherine de Russie, ce penchant avide des humains est bien connu. Mais nous sommes plus que ça, non ? Il y a la solidarité, la coopération, et puis les arts, les religions, la philosophie. En tout cas, faire un lien avec les catastrophes écologiques, c’est exagéré. Et puis, c’est bien s’embêter que d’invoquer les neurosciences pour parler d’un sujet rebattu…

Je pense justement le contraire.

Peut-être que vous qui lisez ces lignes, êtes au-dessus de nos motivations primaires, que l’éducation, la réflexion, la modération, l’altruisme, la sobriété, la spiritualité, font de vous un humain exemplaire. Si c’est le cas, félicitations, mais malheureusement vous êtes la minorité de notre espèce, et donc vous ne suffirez pas à ménager la planète. Ce qui compte, c’est le comportement de l’humanité dans son ensemble, pas la modération d’un petit groupe d’anges spectateur des drames écologiques. Il n’y a pas ici à opposer élites et masses, ville et campagne (encore que…), pays industrialisés et en développement, ou encore telle et telle civilisation : les humains, d’où qu’ils viennent, sont en général animés de ces cinq motivations puissantes.

Pour ma part, malgré la vie relativement sobre que je mène, je reconnais en moi ces penchants primaires, ayant par exemple un gros faible pour les desserts sucrés (nourriture), une attirance marquée pour les charmes féminins (sexe), une sensibilité au nombre de visiteurs de ce blog (statut), une joie nette de voir qu’une machine lave mon linge à ma place (facilité), et depuis des années une pile de livres « à lire » qui ne désemplit pas (information). Ce regard biologique est vexant, certes, mais je crois qu’il faut l’accepter et nous regarder tels que nous sommes, sans orgueil et sans déni.

L’intérêt ici d’étudier le cerveau est de comprendre le caractère inéluctable, la dynamique et l’étendue de ces élans primitifs, pour mieux voir que la plupart des sociétés actuelles restent organisées autour de leur satisfaction… au point de nous aveugler face aux dangers de l’époque !

J’insiste à présent sur une expérience scientifique célèbre illustrant la puissance de ces mécanismes. Bonne nouvelle, vous verrez plus loin que les neurosciences apportent aussi des solutions.

Un rat prêt à mourir pour avoir sa récompense

Au début des années 50, deux neurobiologistes nord-américains, James Olds et Peter Milner, font grâce à une erreur une découverte retentissante : des rats en mesure de stimuler une zone précise de leur cerveau (le septum, où est implantée une microélectrode reliée à un circuit électrique commandé par un levier) semblent éprouver une forte sensation de plaisir en le faisant, et reviennent inlassablement appuyer sur le levier pour stimuler leur septum.

Les scientifiques viennent de mettre le doigt sur un composant du « circuit de la récompense », un ensemble de zones cérébrales activées lorsque nous nous sentons bien, par suite d’un bon repas, d’un acte sexuel, d’une récompense ou toute forme de réussite dans nos actions.

Dispositif de l’expérience d’Olds et Milner en 1954. Source : Plateforme Acces, ENS Lyon

Or, le plaisir est tel que les rats deviennent littéralement accros, appuyant sur le levier environ 200 fois par heure, et jusqu’à 100 fois par minute pour certains. On découvre ensuite que la nourriture, le soin des petits pour les mères, et même la consommation de LSD (vive les années 60…) ne suffisent pas à détourner les rats de ce plaisir suprême ; si l’expérience se prolonge, ils vont jusqu’à mourir d’épuisement, avachis sur le levier. Il existe donc dans le cerveau des mammifères que nous sommes un circuit neuronal si puissant que sa stimulation poussée à l’extrême fait oublier les besoins vitaux.

Tout sacrifier pour obtenir sa « dose », et connaître une mort extatique… voilà ce que racontent les héroïnomanes ayant survécu à une overdose. Ce n’est pas un hasard. Les drogues dures activent artificiellement le circuit de la récompense chez l’humain comme chez le rat. Quelques expériences similaires à celles d’Olds et Milner furent d’ailleurs menées chez l’humain (sous consentement, mais les règles éthiques d’aujourd’hui ne le permettraient plus), où les patients décrivaient des sensations indicibles de plaisir voire d’orgasme prolongé. Voilà le genre d’éclairage formidable qu’apportent les neurosciences sur nos comportements, et voilà comment l’étude de rats ou de souris nous révèle comment notre cerveau fonctionne.

Le premier apport scientifique majeur a été de prouver que sexe, nourriture, mais aussi comparaison sociale, objectif atteint par un moindre effort, et abondance d’information nouvelle, sont autant de choses qui stimulent chez l’humain le circuit de la récompense. Autrement dit, parvenir à nos FINSS nous procure une sensation de plaisir.

C’est le cas par exemple au jeu, où toute victoire attise notre appétit de domination. Depuis la Grèce antique jusqu’au football, les jeux à vainqueurs et à classements sont légion, et constituent un substitut à l’affrontement physique. Mais cela va plus loin : le simple fait de voir gagner un individu active aussi notre circuit de la récompense. Quand notre préféré(e) s’impose à la finale de Roland Garros ou à un tournoi de Risk ou de Starcraft, nous assouvissons indirectement notre besoin primitif de statut social. À l’inverse, quelle ne fut pas notre sensation d’infériorité et de soumissions lorsque, en mars 2016, l’humanité vit son champion sud-coréen défait au jeu de Go par une intelligence artificielle !

Ainsi, non seulement les cinq motivations primaires rappelées par Bohler activent les mêmes circuits neuronaux, mais elles constituent un puissant système d’incitation tout autant que de récompense. La dopamine ne fait pas que procurer du plaisir, elle crée aussi le désir d’agir, en anticipant la récompense. Et malheureusement, ce circuit est conçu pour une fuite en avant sans fin.

Motivations primaires : la dictature du « toujours plus, et plus vite »

En disant que nous agissons pour accéder à un certain plaisir, je ne vous apprends pas grand-chose pour l’instant. Mais les neuroscientifiques sont allés plus loin : ils ont identifié les dynamiques du circuit de la récompense, qui régissent nos actions et auxquelles il est difficile de se soustraire. Vous allez vite comprendre comment ces mécanismes éclairent nos comportements globaux de société.

Un acteur important du circuit de la récompense est le striatum dont j’ai déjà parlé. À chaque acte à succès, une molécule nommée dopamine est relâchée en masse dans le striatum et d’autres zones neuronales, procurant du plaisir. Cette dopamine est produite par des neurones situés plus bas dans le cerveau, au niveau du mésencéphale (notamment dans l’aire nommée substance noire et l’aire tegmentale ventrale). Pour estimer l’état de plaisir ressenti par le sujet, on peut observer l’activité de ces trois zones cérébrales, ce qui se fait chez l’humain par la technique de l’IRM fonctionnelle.

En étudiant les neurones à dopamine qui irriguent le striatum, des équipes et notamment celle de Wolfram Schultz à l’université de Fribourg en Suisse, ont découvert trois faits frappants : nous nous habituons vite aux récompenses, nous aimons les signes annonciateurs de récompense, et nous préférons les récompenses instantanées à celles lointaines.

La première propriété est claire. Que la cinquième gorgée de bière nous paraît fade par rapport à la première ! Ou la cinquième année de vie sexuelle de couple par rapport à la première… On se lasse vite à consommer la même chose, un phénomène que les économistes ont remarqué depuis longtemps, et nommé dans leur domaine « utilité marginale décroissante ». Alors, pour rester satisfait, la solution facile est de consommer plus, d’augmenter les doses. D’où l’obésité, les parieurs ruinés, les couples infidèles, les augmentations salariales, les notifications envahissantes des réseaux sociaux…

La deuxième, moins évidente, est néanmoins familière. On finit par aimer l’odeur qui annonce la bonne nourriture, la salle qui annonce le poker, le costard qui annonce le statut, le regard qui annonce les ébats amoureux… et moins l’acte en lui-même. Car biologiquement, c’est l’information prédictive elle-même qui finit par déclencher dans le cerveau une décharge de dopamine, et non plus la récompense prédite. Le meilleur exemple est encore l’argent : nous trépidons devant une feuille de paie, devant un bout de papier coloré estampillé 20 ou 50, ou devant les chiffres affichés par notre banque en ligne, mais toutes ces choses n’ont aucune valeur immédiate, la récompense n’apparaît qu’une fois l’argent dépensé. Or, c’est bien l’argent en lui-même, la promesse de récompense, que nous avons appris à aimer. À l’inverse, qu’une récompense annoncée fasse défaut, et c’est la sanction neuronale, avec réduction de la dopamine et sensation négative instantanées. Voilà exactement ce qui nous arriverait en France si on nous annonçait le 11 mai un confinement prolongé de 6 mois, après nous avoir promis une liberté retrouvée.

Enfin, nous tendons à préférer le plaisir de l’instant à celui, même plus grand, du futur. Ce phénomène de dévalorisation temporelle est illustré par l’expérience du marshmallow inventée en 1958 par Walter Mischel. Un enfant de 4-6 ans réussit rarement à garder pendant 3 minutes un marshmallow sous ses yeux sans le manger, alors même qu’on lui en promet un deuxième s’il y parvient. Résister à la frustration peut s’apprendre en grandissant – cela passe d’ailleurs par entraîner le cortex à inhiber le striatum – mais nous sommes inégalement armés, et c’est une affaire d’éducation et d’efforts. L’étudiante qui passe des concours renonce aux plaisirs instantanés en espérant un futur encore meilleur ; l’amant bien avisé ne dévoile pas tout dès le début de la relation… Sébastien Bohler n’hésite pas à décrire l’origine du mouvement des Gilets Jaunes comme une « dévalorisation temporelle activée simultanément dans des millions de cerveaux » (p. 171) : consommer des carburants moins chers maintenant, plutôt que de se serrer la ceinture pour préparer un meilleur avenir.

Difficile de résister à un marshmallow sous ses yeux… la dévalorisation temporelle en action. Source lepoint.fr

En bref, le striatum n’est pas fait pour se limiter, il est comme un enfant avide et impatient. Ces trois propriétés des neurones à dopamine – habituation, anticipation, valorisation de l’instant – sont d’une importance capitale, car elles fondent le « toujours plus, et plus vite » qui préside à nos comportements humains, et fait aujourd’hui de nous les acteurs aveugles de la destruction de notre environnement : « surconsommation, surproduction, surexploitation, suralimentation, surendettement et surchauffe » (p. 10) résume Sébastien Bohler. Mieux comprendre ces propriétés est essentiel pour éclairer les choix politiques qui nous aideront à nous en sortir.

L’économie de la satisfaction instantanée

Voilà maintenant le drame de l’espèce humaine, qu’illustre brillamment Bohler : le système économique dominant et l’idéologie politique actuelle sont construits autour de la satisfaction institutionnalisée de nos besoins primaires, vers l’activation forcenée de notre circuit de la récompense. Avec pour corollaire un seul critère au progrès, l’optimisation des coûts et des délais.

Nous négligeons tous les autres critères, sur lesquels nous sommes pourtant en régression : gestion durable des ressources, équilibre budgétaire, décence du revenu des agriculteurs qui nous nourrissent, respect de la biodiversité qui nous est vitale, fractures socio-économiques, mais aussi – on vient de le voir ces dernières semaines – résilience et souveraineté sanitaire. Si l’on oublie l’obsession du PIB, « on n’est pas du tout en croissance en ce moment », argumente Aurélien Barrau (à 0’50 de cette vidéo), qui propose de redéfinir la croissance sur d’autres critères plus humains. Les appels à un autre type de croissance se font d’ailleurs de plus en plus nombreux : économistes, sociologues, scientifiques, journalistes…

Pire, à notre époque de technologie galopante et de consommation débridée d’énergie fossile, tous les trésors d’ingéniosité technique et organisationnelle déployés par l’humanité sont asservis aux besoins primaires du striatum. Ce faisant, nous perdons de vue les dangers écologique et climatique qui nous rattraperont bientôt violemment.

Le système économique dominant est construit autour de la satisfaction institutionnalisée de nos besoins primaires

Vous pensez que Bohler exagère, qu’il noircit le tableau pour vendre son livre, qu’il omet les pinacles intellectuels auxquels est parvenue l’humanité en philosophie, arts, et sciences ? Lisez son livre et vous vous convaincrez que ces belles choses sont l’arbre qui cache la forêt. Je mentionne simplement les faits suivants :

Selon l’OMS, les humains meurent plus d’obésité que de sous-alimentation. En 2016, il y avait 650 millions d’obèses dans le monde, c’est-à-dire d’adultes ayant un Indice de Masse Corporelle supérieur à 30 (p.ex. 92 kg ou plus pour 1,75 m ; IMC = poids/taille²).

42 millions de sites Internet proposent des vidéos pornographiques, qui constituent à elles seules 35% des flux mondiaux de données – et donc de leurs émissions de CO2… (J’ai trouvé plutôt 16% dans ce rapport du Shift Project, la vérité doit être entre les deux.)

Notre obsession de l’ascension sociale se traduit par la compétition dans le cadre professionnel, mais aussi par l’achat renouvelé d’objets ostensibles, voitures suréquipées, habits à la mode, ou encore dernier cri du smartphone, ce besoin inventé qui a conquis 45% de l’humanité en moins de 15 ans, dont 300 millions de personnes rien qu’en 2019. Plus quantitatif encore, le nombre de likes sur les réseaux sociaux, source instantanée de dopamine… ou de frustration.

Nous plébiscitons la facilité en consommant toujours plus de services d’assistance : livraison de repas à domicile plutôt que cuisine, assistant vocal plutôt que se lever du canapé, vidéo à la demande plutôt que cinéma. Aujourd’hui pour une partie de l’humanité, il suffit même de cliquer pour avoir à manger, rien à voir avec l’épique chasse au mammouth de nos ancêtres. Plus généralement, les machines que nous créons pour travailler à notre place incarnent cette recherche de facilité.

Pensons enfin à la boulimie d’information de ces passants de la rue que nous voyons chaque jour, plus intéressés par leurs messages ou par la vue de bonbons multicolores à l’écran, que par un environnement familier avec ses chants d’oiseaux. L’addiction aux écrans est telle que même des assureurs mettent en garde contre ce risque pour la santé.

Et nous voulons tout cela toujours plus vite. Attendre 10 à 30 minutes pour la livraison de notre repas est insupportable ? Rassurons-nous, Uber Eats et ses concurrents préparent leurs armées de drones pour passer sous les 10 ou 5 minutes. La 5G n’est pas encore opérationnelle en France ? Réjouissons-nous, les câbles sous-marins pour la 6G sont déjà en train d’être posés en Asie de l’Est, et les ingénieurs planchent probablement sur la 7, 8, 9, 10G. Au passage, si lire mon article va trop lentement, cédez à votre striatum avide et allez écouter Sébastien Bohler sur cette vidéo TEDx de 15 minutes, ou, mieux encore, dans cet entretien de 8 minutes sur France Inter, pour accéder plus vite à votre dopamine. Le futur peine à conserver à nos yeux une valeur quelconque, nous n’acceptons plus qu’une page Internet mette plus de 10 secondes à se charger, une vidéo plus de 16 secondes. Alors, parler de sobriété économique pour 2040 quand on peut réserver en 10 minutes un avion pour être aux Baléares demain soir…

En somme, la mission principale des sociétés de nos jours est de fournir à leurs membres une satisfaction abondante, toujours plus facile et plus instantanée. En quelque sorte, l’humanité est devenue esclave du circuit de la récompense, et voilà comment nous remettons à plus tard les problèmes du climat et de l’environnement.

Bah, d’autres gens ont l’air de s’occuper de tout ça, il y a Nicolas Hulot, les partis écolos, les ONG, des assos, des gens qui plantent des arbres ou qui font des bilans carbone… Alors pourquoi je m’embêterais, moi ? Et bing ! Revoilà le dilemme du prisonnier que je décrivais dans ce précédent article : à court terme chacun a intérêt à trahir tous les autres, en satisfaisant ses besoins personnels sans souci du devenir de l’humanité. Non, soyons responsables. La transition écologique ne pourra se faire sans l’action des individus.

Et le plus navrant selon moi, c’est que les jeunes talents, les esprits créatifs et énergiques, se battent pour rejoindre les grandes entreprises du numérique qui contribuent le plus à enfermer l’humanité dans son cercle vicieux de la dopamine facile. Car qui développe l’accès instantané à tout savoir humain, les assistants vocaux, les réseaux sociaux addictifs, les livraisons à délais sans cesse raccourcis ? Mais il est vrai que si vous leur vendez votre force de cerveau, les Google ou Amazon font de vous un riche pion de leur jeu, logé dans des bureaux à la mode regorgeant de fruits frais. (J’en reparlerai dans un prochain article)

Comment nous tirer de tout ça ?

Les motivations secondaires du cerveau : l’acquis à notre secours

Pourrait-on retirer le striatum ?

Tentant, me direz-vous, on coupe la branche morte et ça repart ! Ce serait une grosse erreur. Le striatum est central dans le fonctionnement de notre cerveau, l’en retirer, ce ne serait pas comme éteindre la radio dans une voiture, mais plutôt comme retirer les bougies du moteur. Sans lui, plus de motivation pour l’action. Les patients victimes de lésions accidentelles dans leur striatum perdent la capacité à désirer. Ainsi, un homme que l’on a placé debout au milieu du jardin, les mains sur les poignées de la tondeuse, est retrouvé une heure plus tard dans la même position, sans avoir rien fait. Il répond que tout va bien, mais il est incapable de s’activer, il ne peut initier l’action de tonte que si on le lui ordonne. C’est un cas de perte d’autoactivation psychique. Pire, certains patients cessent même de s’alimenter, car ils ressentent la faim mais plus l’envie de manger. Donc, « le striatum, c’est la vie », rappelle Bohler (p. 44).

Alors que faire, puisque nous marchons nécessairement à la dopamine ? Trouver d’autres moyens de se la procurer ! Je vous le disais, les neurosciences apportent aussi des pistes prometteuses. Les chercheurs ont récemment découvert d’autres activateurs du circuit de la récompense, qui sont compatibles avec un futur plus joyeux.

Première bonne nouvelle – et elle est de taille : l’altruisme est capable lui aussi de relâcher de la dopamine dans notre striatum. Mais pas chez tout le monde ! On l’a appris grâce à une expérience menée en 2017 à l’université de Zürich. Ainsi, notre circuit de la récompense n’est pas réservé aux motivations primaires, la générosité désintéressée (ici, don d’argent à un inconnu) peut aussi l’activer et procurer du plaisir. Et si l’expérience a montré que les femmes activent plus facilement leur striatum que les hommes en donnant, cette différence n’est pas ancrée dans les gènes, mais bien issue de l’éducation et de la culture, car on tend à encourager les petites filles plutôt que les petits garçons dans les comportements altruistes.

La conclusion importante, c’est que tout n’est pas inné et écrit une fois pour toute dans notre circuit de la récompense. On peut apprendre à activer son striatum par tel ou tel type d’actions. (Derrière cela, il y a le puissant mécanisme du conditionnement, dont j’aurai l’occasion de reparler car il est au centre de mes recherches.)

Deuxième bonne nouvelle : une récompense purement mentale peut activer le circuit de la récompense aussi bien qu’une somme d’argent. La plupart des chercheurs dont je fais partie, qui se creusent la cervelle pour la société et gagnent des clopinettes, ne seront pas surpris ! Mais c’est bien vrai des humains en général. Lorsqu’on regarde en IRM l’activité cérébrale de personnes qui remplissent une tâche, on constate qu’un simple signal de type « voyant vert » affiché à l’écran, active leur striatum et leurs neurones à dopamine du mésencéphale, comme le ferait une récompense monétaire. Ainsi, pour un serveur de café, le sourire peut bien valoir la pièce !

Dans la même veine, une étude de 2014 a montré que présenter à des étudiants des questions ludiques de type quiz active fortement chez eux des composants du circuit de la récompense, ainsi que – avis aux enseignants parmi vous – l’hippocampe qui prépare ainsi une meilleure mémorisation. On sait donc que la résolution d’énigmes, ou plus généralement la curiosité, peuvent susciter chez nous le même type de plaisir biologique que la satisfaction de besoins primaires. Voilà qui est encourageant, non ?

Pour moi, le grand mérite d’une approche scientifique de la question de nos comportements est de distinguer ce qui est un objectif atteignable (p.ex. apprendre à aimer l’altruisme) de ce qui ne l’est pas (p.ex. supprimer des pulsions de sexe ou de pouvoir), et de montrer qu’un certain nombre de motivations entrent biologiquement en concurrence dans une même structure centrale : le striatum.

Par ailleurs, on voit que toutes ces motivations nous donnent du plaisir ne jouent pas d’égale à égale : les secondaires sont acquises et donc à reconstruire à chaque génération, alors que les primaires sont innées. Si par exemple hommes comme femmes peuvent aimer l‘altruisme, nos sociétés occidentales l’apprennent surtout aux femmes, et ainsi les hommes obtiennent souvent leur dopamine en servant leurs intérêts personnels.

Alors, quelles voies pour une société équilibrée ?

Contrer le circuit de la récompense est voué à l’échec.

Des restrictions sur le sexe, la nourriture, la domination, le moindre effort… ça ne vous rappelle rien ? Les sept péchés capitaux du christianisme se sont érigés contre nos besoins primitifs de satisfaction : luxure (sexe), gourmandise (nourriture), orgueil (statut), avarice (sexe, nourriture, statut, facilité et information, que la richesse confère), paresse (facilité), colère (statut, quand la colère se déploie pour asseoir une domination), et enfin envie qui combine le « toujours plus » au désir de domination. De nombreuses religions et idéologies politiques ont tenté de poser des barrières aux dynamiques fondamentales de notre circuit de la récompense, dans l’espoir d’accéder à un mieux-vivre ensemble. Or on constate que cette démarche a globalement échoué.

Sans juger le bien fondé de tel ou tel courant religieux ou intellectuel, reconnaissons simplement qu’il faut changer de méthode devant le danger actuel, car l’humanité détruit aujourd’hui les conditions naturelles nécessaires à sa vie. De plus, bloquer nos motivations primaires est non seulement vain, mais probablement dangereux, car trop de frustration mènerait à des débordements.

Contraints d’accepter notre circuit de la récompense comme un acteur incontournable, il nous reste deux approches : lui faire penser à autre chose, et lui faire ouvrir les yeux sur ce qu’il a.

L’éducation et la norme sociale

La première voie est celle du développement d’autres motivations, de comportements qui nous procurent un plaisir complémentaire voire de substitution. Elle passe par l’éducation et la valorisation sociale. Puisque les cinq motivations primaires sont en nous, et que leur accorder trop d’importance (c’est le cas actuellement) conduit à des désastres planétaires, l’éducation a un grand rôle à jouer pour encourager des motivations secondaires, qui sont moins évidentes car restent à acquérir.

Les parents et l’école doivent apprendre aux enfants à se tourner plus vers l’altruisme et la coopération, moins vers l’indépendance et la compétition ; plus vers les satisfactions construites avec le temps, moins vers celles de l’instant ; à éprouver du plaisir en progressant non pas uniquement dans leurs notes et plus tard dans leur carrière, mais aussi dans des habitudes plus sobres et solidaires, et des gestes respectueux de l’environnement. En résumé : que leur « toujours plus » soit réorienté vers la croissance du respect de la planète et de l’humanité, plutôt que vers la croissance économique anachronique qui nous détruit, et que leur « toujours plus vite » laisse place à un goût pour le long terme.

Les parents et l’école doivent apprendre aux enfants à se tourner plus vers l’altruisme et la coopération, moins vers l’indépendance et la compétition

L’enjeu est d’avancer vers une humanité qui trouvera l’essentiel de son plaisir non plus dans une surconsommation des ressources naturelles, mais dans des actions participant à une économie durable. Une humanité plus intéressée par la connaissance que par les luttes de pouvoir. En somme, laisser nos enfants passer leur temps à se comparer aux autres sur des réseaux sociaux sans fond, ou à télécharger des applications qui les inondent de notifications, c’est desservir l’humanité dans son ensemble.

En Chine, les plaques d’immatriculation « écolos » deviennent un objet d’affichage social. Source french.china.org.cn

L’alliée indispensable de l’éducation, Sébastien Bohler le rappelle, doit être la norme sociale. Il prend pour exemple les plaques d’immatriculation vertes attribuées en Chine aux véhicules les moins polluants, qui sont devenues un tel marqueur de statut social qu’il faut attendre plusieurs mois pour les obtenir. Soyons à l’affût de telles idées, et efforçons-nous de provoquer des contagions sociales pour des actes qui soient bénéfiques pour la planète, à l’instar du défi TrashTag, plutôt que pour se jeter sur le smartphone dernier cri ou le dernier jeu vidéo de combat à la mode tel Fortnite.

Si le discours public façonne des héros qui excellent dans des motivations secondaires, comme Mère Teresa que Bohler cite avec humour, plutôt que dans celles primaires, comme les joueurs de football dont trop peu brillent par autre chose qu’accomplir à l’écran la domination dont nous rêvons secrètement, alors on peut commencer à espérer une saine réorientation des comportements à l’échelle d’une population.

La sobriété et la conscience

La deuxième voie est celle de la sobriété et de la conscience, notamment en apprenant à notre cerveau à apprécier ce que nous possédons déjà. Ne pas lui dire « arrête de désirer toujours plus du sexe », mais « apprends à apprécier toujours mieux le sexe que tu connais ». Elle passe par l’éducation mais aussi par un travail sur soi, auquel peut aider la méditation. Le bouddhisme montre la voie depuis plus de deux millénaires, mais on peut aussi pratiquer une méditation non-spirituelle.

Dans une société de la distraction permanente, nous passons souvent à côté de ce que nous sommes en train de faire. Quand le cortex est concentré sur les messages du téléphone, il ne s’aperçoit pas de ce que nous mangeons, laissant libre champ au striatum pour réclamer toujours plus d’aliments. C’est cette appréciation de l’instant qu’il faut retrouver, et que favorise la méditation. Alors que les régimes conventionnels et les cures de désintoxication ont une efficacité limitée, l’usage de la méditation pour sortir de l’addiction semble obtenir de meilleurs résultats. En prenant de la distance d’avec les sensations immédiates (appétit sexuel, sentiment d’infériorité, etc.), le cerveau est capable de modérer ces dernières grâce au travail du cortex, et donc de retrouver de la valeur dans des satisfactions plus lointaines et plus raisonnables.

Plus généralement, nous avons tendance à mettre bien plus d’efforts dans l’exécution des tâches que dans leur choix. Il est plus facile de foncer tête baissée dans un projet tracé par quelqu’un d’autre, que de s’arrêter pour peser le pour et le contre et choisir nos propres projets. On en oublie de remettre en cause ce à quoi l’on contribue. Ainsi, un ingénieur en automobile disait un jour à un de mes amis qu’il était évidemment souhaitable que son secteur fasse de l’obsolescence programmée, pour pouvoir continuer à vendre… Ainsi, cette entrepreneuse par ailleurs brillante, me racontait avec quel enthousiasme elle avait participé au développement des restaurants « off » de l’entreprise de livraison de repas Deliveroo à Londres, contribuant ainsi à la disparition de petits restaurants et à l’exploitation des livreurs à vélo. « Nous nous comportons comme des êtres dotés d’un haut niveau d’intelligence mais d’un faible niveau de conscience », résume Bohler (p. 233). Remettons donc en urgence de la conscience dans nos actions, en nous demandant comment elles s’inscrivent dans la société dans son ensemble.

Or, la conscience, cela demande de la réflexion, donc du temps, et ce temps nous le prenons de moins en moins. Bravo d’être parvenu(e) jusqu’à ce point de mon article. Vous avez déjà pris du plaisir à absorber ces informations nouvelles, maintenant sentez votre décharge de dopamine augmenter en vous rappelant que la majorité des article de blogs sont formatés pour des temps de cerveau plus courts. Vous faites plutôt partie des lecteurs capables d’apprécier ce long terme qui manque tant dans nos sociétés !

Que retenir du livre ?

Si le message de Bohler est au final assez simple – s’entraîner à prendre plaisir à 1) respecter la planète et 2) valoriser le futur – il n’en est pas moins profond, et révélateur des impasses dans lesquelles nous nous trouvons aujourd’hui. Certes l’humanité a produit des Goethe et des Chopin, des Mère Teresa et des Gandhi, mais abrutie par ses écrans et grisée par son pétrole elle n’en est pas moins en train de mourir la tête écrasée sur son bouton à dopamine, comme le rat de l’expérience d’Olds et Milner.

Je retiendrais pour ma part les notions suivantes :

– l’Homme cherche en priorité à parvenir à ses FINSS : Facilité, Information, Nourriture, Sexe et Statut social, et ces motivations sont innées

– l’obsession de la croissance économique est l’expression planétaire d’un mécanisme profond de notre cerveau : l’habituation à la dopamine dans notre striatum. Seul notre cortex est biologiquement capable de modérer ce dernier, il faut donc « muscler » notre cortex, en s’entraînant par exemple à aimer les récompenses lointaines ou à apprécier ce que l’on détient déjà.

– alors que nos sociétés devraient entraîner l’altruisme, la sobriété, la pensée à long terme, elles font exactement l’inverse, en servant toujours plus nos satisfactions primitives, instantanées et individualistes.

– les motivations secondaires sont fragiles car non innées, elles sont donc à entretenir à chaque génération, et l’éducation y joue un rôle capital.

– « Nous excellons dans l’art de réaliser nos objectifs, pas dans celui de les établir. » (p. 233) Cette phrase m’a beaucoup interpelé, par sa simplicité et sa profondeur. Combien d’entre nous, en cours ou en fin de carrière, se rendent douloureusement compte qu’ils ont consommé leurs belles années et leur énergie à remplir des objectifs condamnables, ou qui n’étaient pas les leurs ? Combien d’entre nous contribuent à ce système économique qui nous donne un salaire aujourd’hui et rendra notre planète invivable demain ?

Conclusion

Au final, il y a une certaine logique à se rappeler que pour survivre, l’Homme doit concentrer ses efforts sur ses capacités acquises (entraide, sobriété, respect, norme sociale, planification, patience, spiritualité etc.) plutôt que sur celles innées (manger, copuler, dominer etc.). C’est-à-dire, continuer à développer les facultés non primitives qui l’ont distingué et ont fait de lui un être culturel.

Notre espèce est probablement trop jeune dans son évolution biologique pour que nos motivations secondaires se soient ancrées dans notre hérédité, réalisant l’assimilation génétique théorisée par Conrad Waddington. Tournons-nous donc vers notre meilleur pour continuer de devenir nous-mêmes et relever les vrais défis actuels.

Vous trouverez dans le livre d’autres analyses pertinentes que je n’ai pas mentionnées, comme l’engouffrement de la publicité dans nos failles psychologiques, commandé politiquement dans les années 1920 aux États-Unis (p. 93), ou le vide existentiel causé aujourd’hui par les libertés individuelles revendiquées au siècle des Lumières (p. 206).

Je vous quitte sur cette citation croustillante :

« Le jour où les plus grandes audiences télévisées ne seront plus réalisées par des matchs de football, et où l’industrie du jeu vidéo proposera davantage de contenus éducatifs que de produits sollicitant nos renforceurs primaires, nous serons en présence d’un indicateur sérieux d’une possible bascule vers la croissance mentale. Aujourd’hui, aucun développeur de jeux ni aucun directeur d’antenne ne prendrait ce risque, sachant que des millions de striatums devant leur écran attendent justement d’être stimulés par des renforceurs primaires. » p. 242

La lecture vous a plu ? Recevez les nouveaux articles par courriel :

5 réflexions sur « Le 21è siècle ou les impasses du cerveau humain »

    1. Bonjour et merci pour cette source, inconnue pour ma part.
      Nisand fait à 45:56 une brève référence à Bohler, mais tout son discours me semble être directement calqué sur le livre de Bohler, sans qu’il l’avoue honnêtement. Ou bien, Bohler se serait appuyé sans le dire sur un travail de synthèse de Nisand ?

      Au final est-ce si grave : le message est si important que le principal est qu’il passe…

      J’aime

  1. Salut Thomas,
    Bravo et merci pour l’article sur le cerveau. Je ne connaissais ni le striatum ni Sébastien Bohler. Du coup je suis allé visionner le TEdX de Sébastien, jusqu’au bout, quand il parle des addicts au savoir…et là, je me suis dit que tu aurais pu davantage féliciter ceux qui ont fait l’effort de lire ton article jusqu’au bout, pour leur envoyer encore plus de dopamine !
    A bientôt, longue vie à ton blog et j’espère que mon commentaire stimulera ton striatum 😉
    Yvan

    J’aime

Répondre à JULLIAN Jean-Michel Annuler la réponse.